Chronique #3 – Escale en terres féministes : Un féminisme décolonial de Françoise Vergès

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Ma « rentrée littéraire » avait lieu pour moi en octobre et elle fut humblement riche. « Rentrée littéraire » ? Trop pompeux, on la refait…

J’ai eu le luxe et le loisir de reprendre ma lecture de bouquins récemment. Ma maman, aficionada de littérature a toujours nourri mon appétence pour la littérature antillaise. Mais ces dernières années, à force de lecture, de mon goût pour les sujets politiques et de compréhension du monde, mon opinion sur la représentativité a beaucoup évolué. Je vous épargnerai les détails tant il y en aurait à dire, mais ma conclusion c’est que « lire Outre-mer » et qui plus est, des femmes, est crucial. Allez ! Rentrons dans le vif du sujet. Je vous présente un ouvrage phare qui a fait vibrer dernièrement mon cœur de lectrice et recommandé par une amie.

1 – À propos de l’autrice

Quelques mots sur l’autrice : Françoise Vergès est une politologue, professeure d’université et militante notamment en sa qualité de présidente de l’association « Décoloniser les arts ». Je l’ai découverte avec son ouvrage Le Ventre des femmes. Capitalisme, racialisation, féminisme (2017) qui traite de la politique antinataliste conduite à la Réunion dans les années 1970 alors qu’en France l’IVG peine à être légiférée à cette même époque.

Cela donne déjà le ton je trouve : à mon sens, la plume de Vergès est audacieuse et elle en fait usage sur des sujets d’une grande pertinence.

2 – Mon avis

Je me rappelle m’être rassasiée de cet essai en deux jours maximum. Il est simple, dense mais facile à lire. Et pour cause, vous me direz : il fait 127 pages et est divisé en deux grandes parties. Un petit concentré de réflexion qui invite à déconstruire le féminisme, ou plutôt à prendre une autre loupe : celle des femmes racisées. Un angle intéressant pour repenser la place des femmes dans l’histoire, la politique et d’autres sujets de société. Je repense notamment à l’exemple d’une grève du personnel de ménage féminin qu’elle décortique de manière intéressante.

Ce bouquin n’est PAS un manuel d’histoire, mais une porte d’entrée sur de nombreux sujets.

Bref, une sacrée « claque ». Je pense que si je devais résumer le livre je donnerais un verbe : « voir », et mieux encore, une expression : « être vue ». « Voir » parce que c’est une loupe fabuleuse sur la réalité et le quotidien d’autres femmes. « Etre vue », parce que je me suis « retrouvée » dans certains passages et certains questionnements, notamment sur la présence (l’absence) de modèles féminins historiques auxquels je peux m’identifier ou pas suffisamment mis en avant.

D’ailleurs, en parlant de représentation, Josy la petite historienne : trajet en car est une nouvelle publiée sur ce blog avec des personnages uniquement féminins. La lecture en vaut la peine !

3 – Mon passage préféré

J’ai apprécié particulièrement le passage sur le « BUMIDOM » (Fémonationalisme, natalité et BUMIDOM pp. 84 – 89), une période de l’histoire phare pour appréhender la relation de la France hexagonale avec ses départements d’Outre-mer. Elle montre comment les femmes antillaises sont assignées à une certaine catégorie d’emplois dans ce système.

Enfin, mon autre passage préféré, c’est lorsqu’elle suggère une réécriture de l’histoire qui réhabilite le rôle d’autres femmes racisées qui ont été des figures majeures de combat et de résistance en Outre-mer et dans la Caraïbe par exemple.

Mais si Marie Wollestonecraft, philosophe, auteure de Vindication of the Rights of Women en 1792, et Olympe de Gouges, auteure de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, abolitionniste, montée à l’échafaud le 3 novembre 1793 pour ses idées, méritent le nom de féministes, alors Sanité Bélair, révolutionnaire et officier de l’armée haïtienne, fusillée le 5 octobre 1802 par l’armée napoléonienne chargée de rétablir l’esclavage, Queen Nanny en Jamaïque, la maronne Héva à la Réunion, ou la Mulâtresse Solitude, qui participa à l’insurrection contre les troupes napoléoniennes à la Guadeloupe, le méritent tout autant.

Françoise Vergès, Un féminisme décolonial, p.98

4 – D’autres ressources autour des sujets de l’ouvrage

En lien avec mon passage préféré précédent, si comme moi ces différentes figures historiques ont piqué votre curiosité, je vous propose quelques ressources pour en apprendre plus à leur sujet :

Plutôt amateur(trice) de podcasts en ce moment ? La suite pourrait vous plaire.

  • Une émission consacrée à la mulâtresse Solitude :

Enfin, une autre sur le féminisme décolonial animée par deux jeunes femmes antillaises :

  • Fanm ka chayé ko, le podcast féministe et décolonial antillais

J’ai découvert ce podcast via Instagram et je dois dire que c’est le premier du genre que j’ai repéré. J’évoquais ci-dessus le BUMIDOM et le dernier épisode traite de ce sujet.

J’espère que cette courte revue vous donnera envie de lire cet ouvrage remarquable ! Et vous, quelle lecture vous a fait vibrer récemment ?

Crédit photo : Y.V-B.

Passionnée de lecture, j'ai fait de mon amour des mots le cœur ma profession puisque je suis correctrice. Faire émerger des plumes et les accompagner est pour moi extrêmement gratifiant.

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