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« Je ne suis pas ta mère » de Rosemonde Pierre-Louis : libérer la parole, rendre hommage à une lignée de femmes

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J’ai une relation en dents de scie avec la lecture ces derniers temps. Oui, même pour une passionnée de livres comme moi ou bookworm comme on dit outre-Manche, ça arrive. Mais pour mon plus grand bonheur j’ai repris il y a quelques mois. Je documente ce retour petit à petit et si vous êtes à la recherche d’idées lecture, ça tombe bien. J’ai d’abord commencé par des livres en anglais (je vous en parle à la fin de ce billet) et par la suite, j’ai enchaîné avec ce titre autobiographique. D’abord, je dois dire que je l’ai dévoré : en deux demi-journées, c’était plié. Vous auriez tort de vous en priver : je vous raconte pourquoi.

C’est écrit comme une série : expérience de lecture fluide

Je pense que c’est l’un des principaux atouts de ce bouquin : une fluidité d’écriture qui sert le récit puisqu’on attend la suite avec impatience. De plus, chaque titre de « saison » – les chapitres en somme – sont ponctués de titres de chansons. L’autrice explique à la fin que ces titres ont nourri son processus d’écriture. Grâce à ce découpage, les flashback sont à peine perceptibles et le temps de narration n’est pas lourd, ça en fait même quelque chose de plutôt naturel. Les souvenirs d’une vie ne s’insèrent pas toujours dans un schéma de récit enfance-adolescence-vie adulte. Ce serait ennuyeux, non ? L’autrice détourne ce classique enchaînement narratif avec brio. J’adore.

Avertissement : cet ouvrage parle entre autres de violences sexuelles sur des enfants.

Le titre n’a pas la signification que j’attendais

Pour remettre en contexte, j’ai découvert Rosemonde Pierre-Louis dans une émission que j’aime beaucoup suivre : Telles qu’elles (je recommande chaudement). Dans cette interview intimiste à coeur ouvert, Pierre-Louis dévoile des épreuves douloureuses de sa vie. « Je ne suis pas ta mère » a donc résonné pour moi en lien direct avec les mouvements féministes et ô combien nécessaires de #MeToo et #BalanceTonPorc. Mais on n’y était pas tout à fait. S’il est vrai que c’est l’un des thèmes sous-jacents abordés dans ce récit poignant, drôle et touchant à la fois, arrivée presque à la chute du récit, je suis tombée des nues quand j’ai compris sa signification. Une invitation de plus à lire, pour comprendre !

Le passage dans l’émission Telles qu’elles dans laquelle j’ai découvert l’autrice

Porter la voix des sans voix avec dignité

L’une des intentions claires du récit de Pierre-Louis est sans appel : rendre hommage aux femmes de sa vie. On oscille entre Paris et la Caraïbe dans le récit. Direction ici une petite ville d’Haïti où l’autrice est née et a passé une partie de son enfance. Des années charnières pour la petite fille devenue femme.

J’assume ici une généralisation : le silence est d’or pour bon nombre de femmes des générations qui nous précèdent – j’ai 30 ans cette année – et particulièrement dans la Caraïbe. Je parle de ce que je connais. C’est monnaie courante de se taire, transcender la douleur se fait dans le silence et la santé mentale a toujours été une notion pour nos femmes afro et indo descendantes à peine palpable.

Je ne pouvais plus me cacher. Pour mon salut, pour ne pas sombrer dans la folie, je devais parler. Pour briser les chaînes auxquelles ont été asservies mes aïeules, je devais nommer le mal ! Pour celles qui viennent après, je leur devais la parole, ma parole. Oui, aujourd’hui, je sais. Les secrets, les non-dits, les tabous pourrissent les relations, empêchent l’union, divisent les familles, maudissent les fratries et renforcent les rancunes.

Rosemonde Pierre-Louis, extrait de l’ouvrage « Je ne suis pas ta mère »

C’est peut-être pour cette raison qu’une partie de ce récit a résonné si fort. Prendre la parole de façon digne, raconter son histoire personnelle et familiale, braver les non-dits, s’exposer aux potentiels jugements, c’est mettre fin à un traumatisme intergénérationnel, c’est difficile et courageux à la fois. Pierre-Louis a réussi ce défi personnel avec panache, pudeur et authenticité.

Le mot du billet
En bonne férue des mots, je vous propose une définition, qui correspond pour moi au mot qui pourrait résumer cette lecture : « cathartique ». Cela veut dire pour moi, « thérapeutique ». Finalement, l’écriture de cet ouvrage a été thérapeutique pour l’autrice et rend justice de manière digne à des vies de femmes.


Vous lisez peut-être en anglais ? Rendez-vous sur mon blog anglophone pour des idées lecture, entre autres : thefrenchcaribbeanwriter.medium.com.

A lire sur le blog

Passionnée de lecture, j'ai fait de mon amour des mots le cœur ma profession puisque je suis correctrice. Faire émerger des plumes et les accompagner est pour moi extrêmement gratifiant.

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