La semaine dernière, je commençais le 1er volet de cette chronique ainsi : « Caribéaniser sa bibliothèque : vœu pieux ou réalisme urgent ? ». Les prix littéraires me sont donc apparus comme une porte d’entrée idéale vers des auteurs caribéens. Loin de moi l’idée de penser que la seule littérature valable est celle primée. Mais la curiosité me donnant quelques ailes (non pas celles d’un ange…), je voulais savoir qui étaient ces plumes sorties de la Caraïbe. Oui celles qui ont le droit d’arborer sur leurs couvertures des bandeaux rouges. Oui, je sais que vous savez de quoi je parle. Ils attirent nos yeux en premier sur les rayons des libraires. Je veux parler de ces bandeaux rouges où il est inscrit « Prix de… ».
Après avoir donc dressé un tableau succinct de ces plumes récompensées en France et à l’international, je me suis donc demandé comment ces plumes étaient honorées chez elle. Voici sans plus tarder, un panorama des prix littéraires par et pour les Caribéens.
Votre temps est précieux. Si pas le temps de tout lire, les liens sont ci-dessous !
- Le grand prix de l’Association littéraire de la Caraïbe
- Le prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde
- Prix littéraire des Caraïbes
- Prix littéraire Casa de las Américas
- Burt Award for Caribbean
- OCM Bocas Prize for Caribbean Literature
- The Johnson and Amoy Caribbean Writers Prize
1 – Le grand prix de l’Association littéraire de la Caraïbe
Il s’appelait au départ « Le grand prix littéraire caribéen du Conseil régional de la Guadeloupe. » Ce dernier a été créé lors du 1er congrès de l’Association des écrivains de la Caraïbe, en novembre 2008, sous Victorin Lurel, président de l’époque du conseil régional. C’est un prix qui récompense des écrivains de la Caraïbe tous les 2 ans, selon le règlement en vigueur adopté par l’association. Cependant, le dernier prix a été attribué en 2017.
Lors du 3ème Congrès des écrivains de l’A.E.C., le nom définitif de ce prix littéraire a été adopté. Sa particularité, c’est qu’il y a trois jurys : francophone, hispanophone et anglophone.
Les îles et les pays représentés par les précédents lauréats sont issus de la Grande Caraïbe puisque des pays d’Amérique du Sud y figurent :
- Hispanophones : République dominicaine, Venezuela, Argentine, Panama, Puerto-Rico ;
- Francophones : Guadeloupe, Martinique, Haïti ;
- Anglophones : Trinidad, Barbade, Jamaïque, Anguilla, Grenada.
Pour en avoir plus sur les finalistes et les lauréats, rendez-vous ici : Grand prix littéraire de l’A.E.C.
2 – Le prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde
« Le Prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde est institué pour récompenser et promouvoir une œuvre de réflexion ou de fiction illustrant l’unité-diversité de la Caraïbe et des Amériques. »
Le prix « Carbet de la Caraïbe » a été fondé en 1990, à l’initiative de la revue Carbet et que l’écrivain martiniquais Edouard Glissant a présidé. Ce prix récompense les ouvrages en langue française ou en créole, dont les traductions. C’est en 2011 qu’est accolé « Tout-Monde » au nom du prix, l’année du décès d’Edouard Glissant. L’institut Tout-Monde porte donc ce prix, dont le jury est présidé par l’écrivain guadeloupéen Ernest Pépin. Le prix Carbet est décerné chaque année, en décembre.
- Le 1er récipiendaire n’est autre que le Martiniquais Patrick Chamoiseau, en 1990.
- L’avant-dernier prix a été décerné à l’écrivaine Estelle-Sarah Bulle en 2018.
- En 2020, trois écrivains ont été récompensés : Yanick Lahens (Haïti), Elie Stephenson (Guyane) et Alfred Alexandre (Martinique).
Retrouvez la liste complète des lauréats du Prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde, juste ici.
Le prix Carbet a fêté ses 30 ans en octobre dernier. Pour découvrir la retransmission de la cérémonie de remise, c’est ci-dessous :
3 – Prix littéraire des Caraïbes
Le prix littéraire des Caraïbes fait partie d’une série de 10 prix littéraires de l’ADELF (Association des écrivains de langue française). Il est décerné tous les 2 ans à un « écrivain d’expression française originaire de la République haïtienne, des Antilles ou de la Guyane, […] auteur caribéen de langue française et consacré à l’une des régions composant les Caraïbes » (extrait du règlement).
Le jury de ce prix, présidé par Sylvie Kandé, est composé entre autres d’écrivains francophones caribéens.
- C’est la plume haïtienne Jean Price Mars, en 1965 qui en a été le premier lauréat, pour l’ensemble de son œuvre.
- En 2017, l’Haïtien James Noël a été récompensé pour son œuvre Belle merveille et la Guadeloupéenne Simone Schwarz-Bart pour l’ensemble de son œuvre alors même qu’elle était hors concours.
On quitte donc ici la sphère des prix francophones. Les prix suivants sont hispanophones et anglophones, ainsi que les pages d’information à leur sujet.
4 – Prix littéraire Casa de las Américas
De son nom original Premio Literario Casa de las Américas, ce prix littéraire aux différentes catégories est porté par une institution cubaine éponyme. Dans le cadre de cette chronique, une catégorie nous intéresse : celle de la littérature caribéenne en français et en créole. 2020 a marqué le 61e anniversaire de ce prix célèbre dans la grande Caraïbe.
Le jury, présidé par l’écrivaine haïtienne Evelyne Trouillot a récompensé la Martiniquaise Fabienne Kanor pour son ouvrage Je ne suis pas un homme qui pleure.
Parmi les anciens lauréats en langue française en 2008, on retrouve :
- Le Guadeloupéen Max Jeanne pour son roman Brisants,
- L’écrivaine et journaliste haïtienne Emmelie Prophète, pour son recueil de nouvelles Le testament des solitudes.
Pour retrouver la liste complète des lauréats, c’est par ici (de 2005 à 2010) et par là (de 2011 à aujourd’hui).
5 – Le Burt Award for Caribbean
Le CODE Burt Award for Caribbean Young Adults est un prix littéraire désormais révolu. Pendant 7 ans, jusqu’en 2018, il a permis aux lauréats, des auteurs caribéens anglophones de littérature jeunesse (12 à 18 ans), d’être vus et lus. En effet, jusqu’à 2500 exemplaires de chacun des ouvrages retenus ont été distribués dans des écoles, librairies et organismes littéraires anglophones de la région Caraïbe.
Ce prix est celui d’une série de prix d’une ONG (organisation non-gouvernementale), CODE, située au Canada. Le partenariat avec le Bocas Lit Fest (festival littéraire annuel à Trinidad-et-Tobago) a permis de soutenir la démarche et les auteurs.
La dernière lauréate est la Trinidadienne Janelle Frontin, pour son roman The Unmarked Girl.
Au fait : si vous êtes anglophone et que la liste des lauréats vous intéresse, c’est par ici (en bas de page).
6 – OCM Bocas Prize for Caribbean Literature
On parlait précédemment du Bocas Lit Fest, festival annuel de littérature trinidadien dont l’action valorise et promeut la littérature caribéenne. Un de leurs moyens d’action est le prix littéraire OCM Bocas Prize, créé en 2011 (OCM = One Caribbean Media, partenaire principal). OCM Bocas Prize est décerné chaque année à des auteurs de fiction, de prose ou de poésie mais également de non-fiction (autobiographie, essais, etc.). Le prix est ouvert à toutes les personnes de nées ou citoyennes dans la région Caraïbe.
Parmi les lauréats :
- Le poète saint-lucien et prix Nobel de littérature Derek Walcott pour White Egrets (poésie) en 2011,
- Le poète Richard Georges (né à Trinidad et qui a grandi aux Îles Vierges britanniques) pour Epiphaneia en 2020.
7 – The Johnson and Amoy Achong Caribbean Writers Prize
Administré également par le Bocas Lit Fest, ce prix a une particularité : les lauréats n’ont en général pas encore publié. En effet, l’objectif de désigner un ou une lauréate pour l’obtention d’une bourse d’écriture et de soutien pour que l’œuvre soit achevée.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur la page du site.
Allons plus loin : le cercle vertueux des lecteurs
Evidemment, ces recherches m’ont épatée, particulièrement le prix qui offre une bourse d’écriture à des écrivains non publiés ou en devenir. Cependant, j’ai eu une réticence à mettre en avant le prix littéraire des Caraïbes, puisque le jury n’est pas composé que d’auteurs caribéens. Mais étant donné qu’il ne récompense que des auteurs de la région, il me paraissait quand même utile de le mettre en avant.
Par ailleurs, j’aurais aussi pu évoquer des prix comme ceux de Fèt Kann’ (fête de la canne, NDLR) Maryse Condé!, du même nom de la célèbre écrivaine guadeloupéenne. C’est un prix qui célèbre les mémoires du « sud » et la diversité. Je vous invite à aller faire un tour sur la liste des précédents lauréats, ça vaut le détour !
Mais l’objectif de cette chronique est surtout de mettre en lumière quelques noms d’auteurs caribéens pour que nous soyons curieux et ouverts. D’ailleurs si je devais réécrire cette chronique (et j’ai sérieusement songé à le faire haha) je parlerais ici d’un manifeste.
D’un manifeste pour qu’on lise « caribéen » et améliorer la représentation. D’un manifeste pour qu’on songe à étudier en cours des lectures étrangères d’auteurs jamaïcains, trinidadiens, des Îles Vierges britanniques quand on apprend l’anglais. De lire des auteurs de Cuba, de la République dominicaine ou du Panama quand on apprend l’espagnol. Qu’en cours de littérature, on puisse aborder des exemples tirés de romans haïtiens, martiniquais ou guadeloupéens.
Envie de découvrir des citations d’auteurs caribéens ? J’ai créé un format spécial pour ça sur Instagram !
J’imagine aujourd’hui, qu’à l’ère du digital, ce sera sans doute plus simple.
D’ailleurs, petite anecdote : au lycée, j’ai eu la chance d’être en section « Euro Caraïbe ». Pourtant, mon immersion linguistique s’est déroulée à Miami, en raison de contraintes budgétaires et pour des raisons administratives. Ce qui illustre vraiment le problème…
Compter uniquement sur l’action des institutions et des collectivités serait vain. Je sais que bon nombre d’acteurs (librairies, associations, cafés…) font déjà un travail admirable pour lire « caribéen ».
Mais in fine, c’est à nous lecteurs de former ce cercle vertueux de reconnaissance des auteurs caribéens. Pas que ceux qui sont primés et reconnus, mais aussi les auto-édités et ceux dont on parle moins.
Le prochain billet de la série « Caraïbe littéraire », portera sur les festivals littéraires de la région. Rendez-vous en janvier 2021 !
Yasmina VICTOR-BIHARY
© Tous droits réservés. Toute reproduction partielle ou totale de ce texte est interdite.