Comme sûrement beaucoup d’entre nous, je suis une gourmande née. Au mot « gourmandise », j’associe mes mamies, mes taties, ma maman, des desserts à tomber par terre. Des épices qui embaument une pièce et aboutissent à des délices. Alors quand je suis tombée pour la première fois sur un roman qui se passait en cuisine, mon cœur a battu la chamade (drama queen). Je ne parle pas de livre de recettes et de littérature culinaire à proprement parler, mais bien de romans dont les scènes et les personnages sont relatifs à la cuisine. Dans ce billet, découvre quatre romans d’auteurs caribéens à savourer… A table !
Victoire, les saveurs et les mots : madeleines de Proust à la caribéenne
La première pépite nous emmène à Pointe-à-Pitre, sur la Grande-Terre et à Marie-Galante, dans l’archipel guadeloupéen. Fan de l’écriture de Condé depuis toujours, ce n’était pas très difficile d’être conquise. D’emblée.
Immersion dans la cuisine de Victoire, la grand-mère de l’autrice, qu’elle n’a pas connue. Condé dresse le portrait de celle qu’elle nomme sa « bonne-maman », une cuisinière hors pair. Comme souvent, la cuisine est affaire de transmission. Ainsi, Bonne-maman Victoire exprimait son savoir en cuisine et l’a transmis à sa fille, la mère de Condé.
J’apprécie beaucoup ce bouquin car il te ramène à de tendres souvenirs d’enfance. En outre, tu sors de toi-même, dans un aller direct vers l’exploration de la Guadeloupe du début du 20e siècle.
Aussi, je recommande de lire ce roman avec une bonne crème de maïs à l’antillaise. Double dégustation garantie.
Black Cake ou Les parts oubliées en français : un dessert au goût de secrets de famille
S’il y a un roman que je devrais recommander en premier dans toute cette liste, ce serait celui-ci. J’ai découvert cette pépite de Charmaine Wilkerson, une Américano-Caribéenne expatriée en Italie, par un heureux hasard.
Plus que le dessert lui-même, qui n’est qu’un prétexte pour plonger dans une fresque familiale surprenante, les personnages et l’univers sont attachants. De fait, le tour de force réussi est celui de la complexité des personnages. Et de la nuance. À tous les instants.
Le message que je retiens est que tout, absolument tout est relié. Le narrateur, omniscient, (oh wait, j’ai sorti une notion de grammaire ici, comme quoi j’écoutais vraiment en cours de français) permet de saisir différents points de vue à travers différents personnages. C’est un des secrets de ce qui rend ce roman si croustillant. La charge émotionnelle est forte et tu te laisses vite embarquer. J’ai tourné page après page et je ne voulais rien lâcher. Et paradoxalement, eh bien, je ne voulais pas refermer ce livre. Pas étonnant que la série ait été adaptée à l’écran, elle a tout pour.
👁️🗨️ Qu’est-ce que le Black Cake ?
Le black cake est une spécialité caribéenne, un dessert plutôt consommé en période de fin d’année, lors des mariages ou de la fête de Pâques dans quelques pays caribéens anglophones : Jamaïque, Trinidad, Guyana, pour ne citer que ceux-là. Chacun y va de sa recette, mais il est composé généralement de fruits séchés macérés dans du rhum ou du vin plusieurs mois au préalable, d’épices comme la cannelle, la vanille, d’oeufs, de farine… Ici, le black cake est en quelque sorte la madeleine de Proust des personnages principaux du bouquin et la spécialité autour de laquelle se cristallise l’intrigue. A l’origine, le black cake viendrait du British Christmas Plum, une spécialité anglaise, importée pendant la colonisation… Pour les anglophones qui ont envie de savoir plus sur cette recette et son histoire, rendez-vous ici.
Mets et merveilles : le parallèle entre la créativité en cuisine et dans l’écriture
Encore un chef-d’oeuvre de Maryse Condé. Dans la continuité de Victoire, les saveurs et les mots, l’écrivaine guadeloupéenne nous embarque, dans un cadre intimiste, dans une odyssée culinaire et littéraire. Anecdotes et histoires vraies mènent la danse et révèlent une Maryse Condé qui adorait recevoir ses convives autour de la bonne chère, au même titre que des lecteurs dans son univers romanesque. Maryse Condé a voyagé à travers le monde ayant notamment vécu en Afrique et aux Etats-Unis. Autant d’occasions pour elle d’enrichir son bagage de saveurs nouvelles, tout en faisant connaître celles avec lesquelles elle a grandi. Les plats, décrits avec une acuité et force détails, ne peuvent laisser personne indifférent.
Sur le vif, d’Elizabeth Acevedo : la cuisine comme tremplin pour une jeune maman
Direction Puerto-Rico et Philadelphie, aux Etats-Unis, dans ce roman que beaucoup classeraient dans la catégorie de littérature jeunesse. Emoni Santiago, le personnage principal, orpheline de mère, vit avec élevée sa grand-mère à Philadelphie. Son père vit quant à lui à Puerto-Rico et n’a que peu de contact avec sa fille. Elle tombe enceinte à l’âge de 14 ans et se retrouve jeune mère célibataire. Loin de laisser ces circonstances déterminer son avenir, elle rebondit grâce à la cuisine, une passion qui devient le moteur de ses choix d’orientation lorsqu’elle entre au lycée. La rencontre avec son professeur, devenu mentor, conforte sa décision.
Ce que j’ai le plus aimé avec ce livre : chacun des chapitres est ponctué de recettes qui ont l’air tout aussi savoureuses les unes que les autres. Malgré l’intrigue a priori simpliste, la cuisine permet à une jeune fille en devenir d’exprimer sa créativité et de jouer avec les règles.
Sur le vif (With the Fire on High, en version originale) dépeint une protagoniste actrice de son destin. Emoni Santiago, en dépit de ses faibles moyens et de ses circonstances qu’on pourrait associer à un mauvais départ, se bat pour son avenir. Un parcours qui lui fait traverser l’Atlantique, la menant en Espagne pour un séjour professionnel édifiant, enrichissant son bagage d’expertise. Une histoire aussi délicieuse qu’attachante.
Autre plus : beaucoup de mots en espagnol épicent la narration, donnant une certaine authenticité et rendant hommage à l’identité hybride de l’auteure !
J’espère que tu savoureras quelques morceaux de cette sélection. A lire de préférence en langue originale.
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